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Lesbos quand tout s’enflamme

Jiyana Tassin, 16.09.2020

La semaine dernière, 600 activistes et Jeunes Vert-e-s ont manifesté à Berne pour l’évacuation des camps de réfugié-e-s grecs. La Suisse, accompagnée de 10 autres pays, s’est engagée à accueillir une vingtaine de mineurs non accompagnés sur son territoire.

« La Suisse est coresponsable pour la situation affreuse en Grèce. Nous devons enfin agir ! » réclamait Oleg Gafner, coprésident des Jeunes Vert-e-s Suisse, dans un communiqué de presse de la semaine dernière. Le parti avait déjà lancé en mai dernier le Hashtag #SaveAllNot21 pour critiquer l’inaction de la Suisse quant à l’accueil de migrant-e-s. Scandant leur mécontentement, 600 activistes et jeunes vert-e-s se sont réunis à Berne où ils ont appelé le Conseil fédéral à fournir de l’aide directe et à accueillir les réfugié-e-s sur place. La manifestation faisait écho au centre d’accueil de migrant-e-s et réfugié-e-s de Moria (sur l’île de Lesbos en Grèce) qui a été ravagé par un incendie mercredi 09 septembre. Il ne reste aujourd’hui plus rien de ce sanctuaire que certains appelaient « le camp de la honte ». Insalubrité, manque d’accès à l’électricité ou encore violences, le camp abritait quatre fois plus de personnes que sa capacité initiale (située à 3000 places). En quête d’Europe, des milliers de réfugié-e-s s’y entassaient chaque jour, dans des conditions inhumaines. Selon les ONG présentes sur place, la prostitution, les viols, les enlèvements de mineurs, le trafic de drogue, et les violences en tout genre étaient courants sur l’île.

 

Situation explosive

Mercredi matin, des flammes attisées par des vents de force 7 à 8 sur l’échelle de Beaufort auraient détruit le camp à environ 90%, annoncent l’enquête en cours. Le feu aurait démarré suite au refus de 5 exilés testés positifs au covid-19 de se mettre en quarantaine. Plus tard dans la soirée, un autre feu s’est également déclenché laissant les quelques 12 700 résidents passer la nuit dans des tentes distribuées par les autorités. L’Etat essaie depuis la semaine dernière de trouver des hébergements à Mytilène. En attendant, les secours accueillent 1000 des 3500 demandeurs d’asile sur un navire situé au port de Mytilène. Une autre partie se trouvent dans des centres désinfectés sur l’île en attendant une situation plus stable. Quant aux ONG, ces dernières craignent que les tentes à usage provisoire, distribuées par les autorités, remplacent de manière permanente le camp. « La situation était déjà explosive depuis plusieurs mois et notamment avec la crise du Covid-19, en mars, où le camp a été mis en quarantaine. La vie y était intenable, tout comme dans les autres camps des îles, situées face à la Turquie », déplorait Marc-Antoine Pineau de l’ONG Just Action, dans un article du Figaro International. Avec 35 personnes déclarées positives au Covid-19 (sur 2000 testées) la semaine passée, l’île de Lesbos a été placée en état d’urgence sanitaire. Actuellement évaporées dans la nature, seulement huit des 35 personnes ont été retrouvées. Le gouvernement promet de les récupérer et de les placer en isolement.

 

Stratégie politique

« Le centre de Moria tel que nous le connaissons, ne peut continuer à exister ou être reconstruit à l’identique » twittait mercredi soir le ministre de l’immigration Notis Mitarakis avant d’ajouter qu’il s’agit d’« une question de santé publique, humanitaire et de sécurité nationale». Le gouvernement s’est donc engagé à construire un autre centre fermé. De son côté, la Commission européenne a promis d’accueillir 400 mineurs non accompagnés vers Athènes. Une décision insuffisante selon les ONG qui scandent que ce chiffre est dérisoire étant donné que les autres réfugiés ne sont pas autorisés à quitter l’île. D’autant plus que le camp se composait de près de 13 000 personnes, dont 70% de plus de 18 ans. Sur les dix pays ayant accepté d’accueillir ces personnes, seule l’Allemagne envisage de prendre des familles. Stratégie humanitaire ? Pas vraiment. Plutôt politique, cette dernière s’explique principalement par l’absence de justification que nécessite l’accueil d’enfants. Au contraire des adultes dont l’aide suscite de nombreuses réticences au sein de l’opinion publique - un phénomène exacerbé en temps de crise. François Gemenne, spécialiste de la gouvernance des migrations à l'université de Liège, explique dans un article de la RTS : "il s'agit surtout d'éviter d'être accusé d'être complètement inhumain et de manquer à des obligations humanitaires élémentaires. Mais le problème, c'est que cet accueil des enfants sert souvent à cacher une grande lâcheté politique quant à l'accueil du reste de leur famille". Dans un monde brisé de toutes parts, l’hypocrisie des pays européens ne semble pas avoir de frontières.

Sources :

-La Suisse privilégie l'accueil de mineurs non accompagnés du camp de Moria. Dans : RTS (Radio Télévision Suisse) : https://www.rts.ch/info/suisse/11605172-la-suisse-privilegie-laccueil-de-mineurs-non-accompagnes-du-camp-de-moria.html

-Situation dramatique au camp de Lesbos. Dans le Figaro International : https://www.lefigaro.fr/international/situation-dramatique-au-camp-de-lesbos-20200909

Tags: lesbos

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Jiyana Tassin

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